Abus sexuels pendant l’enfance, quelles répercussions possibles à l’âge adulte ?

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Pour ceux et celles qui ont grandi en Afrique, il était habituel de côtoyer des adultes qui nous prenaient parfois sur leurs genoux, ou dans leurs bras. Dans un environnement communautaire, plusieurs personnes gravitent en général autour des enfants; la famille proche ou élargie (oncles, tantes, cousins, cousines), les employés de maison, les voisins, ou encore les amis.

Les gestes affectueux envers un enfant n’ont à la base rien de rédhibitoire, au contraire, ils participent à son épanouissement et favorisent le développement de liens affectifs.

Le problème se pose lorsque ces gestes et comportements portent atteinte à l’intégrité physique et morale de l’enfant en question. Tous les adultes ne sont pas toujours bien intentionnés, et un enfant n’a malheureusement pas la maturité nécessaire pour détecter un prédateur sexuel et s’en protéger.

Pourquoi l’enfant ne se méfie pas?

Parce que l’agresseur est très souvent un proche. On le connaît et le côtoie régulièrement. Parfois même, il vit dans la même maison. Au pays, on retrouve généralement plusieurs membres de la famille dans un ménage. Cette promiscuité est souvent la source de bien de déboires pour les enfants ou les jeunes filles.

Pourquoi l’enfant n’a pas dit non?

Parce qu’un enfant ne connait pas encore ses limites et ne PEUT par conséquent pas s’opposer à un adulte en qui il a totalement confiance. Hormis cela, la passivité est une réaction de survie qu’on peut adopter quand on se sent agressé par quelqu’un de plus fort que soi et qu’on a peur pour notre vie.

Pourquoi l’enfant abusé ne dit rien?

Même quand il s’agit d’enfants qui peuvent déjà s’exprimer et raconter ce qui s’est passé, beaucoup préfèrent garder le silence. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette attitude.

1- Un enfant qui est abusé perd la confiance qu’il avait envers les adultes

Puisqu’il est victime d’un de ces adultes justement. Il se sent désormais en danger avec tous les autres. Alors, il se tait . Pour comprendre cette réaction, faisons un bref rappel du besoin de sécurité qui est un besoin psychologique de base chez tout être humain. Chez l’enfant en particulier, ce besoin est censé être comblé par les adultes qui l’entourent et qui prennent soin de lui. Il leur fait confiance pour le protéger en cas de danger ou de menace extérieure.

Voilà pourquoi un enfant court prioritairement vers son père ou sa mère dès qu’il a peur. Il n’est donc pas rare qu’en cas d’abus, il commence à en vouloir ses parents, car pour lui, ils n’ont pas été là pour le protéger.

2- L’enfant abusé éprouve beaucoup de culpabilité et un sentiment de honte

Il pense que c’est sa faute, qu’il a fait quelque chose de mal pour que l’adulte en vienne à lui faire ce qu’il a fait. Ce qui s’explique par le fait qu’un enfant n’a pas la maturité nécessaire pour analyser objectivement une situation. Pour lui, les adultes sont bienveillants, il doit donc les écouter. Surtout dans les cultures africaines, où on apprend aux enfants à obéir aux adultes. Il n’est pas exclu que l’abuseur culpabilise aussi l’enfant en lui disant que c’est sa faute.

3- Le chantage affectif

Dans la plupart des cas, l’enfant reçoit des menaces qui le confortent à garder le silence. “Si tu parles, on ne t’aimera plus” est un exemple de message transmis pour neutraliser toute velléité de dénonciation.

4- Le choc émotionnel

Si l’enfant a été violé, il a été choqué. L’horreur et l’incompréhension de ce qu’il a pu vivre peuvent avoir neutralisé sa capacité de penser ainsi que ses émotions. Comment parler de quelque chose qu’il ne comprend pas et qui le maintient dans un état de choc? Quelque chose dont il peut se sentir totalement étranger ?

Cette enfant, si c’est une fille, pourrait à l’âge adulte, avoir des relations sexuelles avec un homme pour qui elle n’éprouve absolument rien, ou au contraire éviter toute intimité sexuelle avec les hommes. Elle pourrait avoir du mal à lier la sexualité à quelque chose de positif comme l’amour ou la tendresse.

5- L’instinct

Instinctivement, un enfant sait que ce qu’il subit n’est pas normal et qu’il a intérêt à se taire pour éviter que l’agresseur recommence. Le silence est donc utilisé comme une protection. Un mécanisme de survie.

6- Le contexte

Le fait de vivre avec ses propres parents ou chez d’autres membres de la famille pendant cet abus/ces abus peut influencer la réaction de l’enfant abusé. Les chances pour qu’il se confie sont plus élevées quand il vit avec ses parents, surtout si ces derniers sont à l’écoute.

L’identité de l’agresseur a aussi son rôle à jouer sur le comportement de l’enfant. Être abusé par un oncle ou un cousin n’est pas pareil qu’être abusé par un ami de la famille ou un voisin de passage.

Quand l’agresseur est un proche, la peur de l’enfant est beaucoup plus grande puisqu’il y a des chances pour qu’il le revoit dans le futur.

La relation de dépendance peut également pousser au silence, surtout dans les cas où l’agresseur est la personne qui s’occupe financièrement de l’enfant et de son éducation. Si ce dernier n’a plus ses parents ou s’il ne peut pas retourner facilement chez eux, il aura tendance à se taire par peur d’être mis dehors.

C’est ainsi que beaucoup de filles ont subi les assauts du mari de leur sœur ou de leur tante chez qui elles vivaient. Mais n’ont rien osé dire.

7- La peur sous toutes ses formes

Peur que ça recommence, peur de se retrouver seul, peur de ne plus être aimé, peur de ce qui peut se passer s’il parle. Un enfant n’a pas la même vision du monde qu’un adulte. Il a besoin des autres pour se construire. Même si ces derniers représentent un danger pour lui, il aura du mal à s’en détacher car il pense probablement au fond de lui qu’il ne peut survivre tout seul.

Quelles sont les conséquences potentielles d’un abus sexuel ayant eu lieu dans l’enfance?

Les conséquences d’abus peuvent se manifester de différentes manières et à différentes périodes de la vie. Un traumatisme non traité trouvera toujours le moyen de se faire entendre.

1- La difficulté à mettre clairement des limites aux hommes et à dire non

Une femme qui a été abusée dans son enfance n’a parfois pas eu l’occasion de crier à l’aide ou de dire tout simplement NON! de manière ferme. Elle a “laissé faire” par ce qu’elle était un enfant et ne savait pas se défendre. Ayant subi un traumatisme plus ou moins profond, elle pourrait donc tendance à adopter le même comportement face à un homme qui ne respecte pas ses limites.

Cette attitude pourra l’amener à vivre des situations qu’elle ne souhaite pas. Elle se sentira à nouveau “abusée” alors que pour l’homme en question, elle aura été consentante.

2- Le dégoût des relations sexuelles et les troubles associés

Le sexe peut être considéré comme quelque chose de “sale” ou comme un outil servant juste à l’atteinte d’un objectif. Beaucoup de femmes abusées sont capables d’avoir des relations sexuelles dénuées de tout sentiment. Par contre, d’autres victimes évoluent dans le sens inverse et évitent plutôt les relations affectives et sexuelles avec les hommes. Les troubles de la sexualité qu’on peut retrouver sont de différents ordre: la frigidité, l’absence de plaisir, les contacts physiques difficiles ou insupportables, l’évitement de certaines caresses, le dégoût de la nudité etc.

3- Une faible estime de soi

L’abus sexuel porte atteinte à la valeur qu’une personne s’accorde à elle-même. Un enfant pensera qu’il n’est pas assez bien, qu’il n’a aucune valeur à cause de ce qui s’est passé. Cette dévalorisation peut également s’effectuer au niveau corporel. Dans ce cas, la victime peut détester et maltraiter son corps, qui selon elle, est la cause principale de tous ses malheurs. Elle peut donc développer des comportements alimentaires de type “boulimique” ou “anorexique”.

En tant qu’adulte, le travail à faire est de prendre conscience qu’on est une victime et qu’on a rien à se reprocher par rapport à ce qu’on a subi. Plusieurs choses sont à reconstruire: l’image de soi, l’amour de soi et l’estime de soi.

4- Le sentiment de culpabilité et la colère

“Pourquoi je n’ai rien fait pour me défendre?”, “pourquoi je n’ai rien dit”?, autant de questions , tout à fait normales chez les victimes d’abus sexuels devenues adultes. Elles ressassent les évènements et pensent à tort qu’elles auraient pu faire autrement. Elles oublient qu’elles étaient juste des enfants et qu’elles n’auraient pas pu faire autrement à ce moment. Face au danger, un enfant n’a pas les mêmes ressources qu’un adulte.

5- Les comportements dysfonctionnels

Dans les cas extrêmes (inceste, viols répétitifs), on peut observer des comportements autodestructeurs tels que la prostitution, une sexualité déviante, des idées suicidaires et une consommation exagérée de drogues ou d’alcool.

6- Les réminiscences

On n’arrête pas de revoir la scène et on a constamment des flashbacks. Ces souvenirs sont en général temporaires, car ils sont réveillés par une situation présentant des similitudes avec le vécu antérieur. Ils peuvent toutefois donner naissance à des épisodes dépressifs.

Dans le domaine des abus sexuels, la prévention revêt une importance capitale. On ne peut malheureusement pas identifier tous les prédateurs sexuels qui nous entourent. La plupart sont indétectables puisqu’en apparence, ils sont comme tout le monde. Gardez le plus possible un œil sur vos enfants. Communiquez avec eux et encouragez les à se confier en faisant preuve de disponibilité , d’écoute et d’empathie.

Les abus concernent autant les femmes que les hommes. Certaines personnes réussissent avec le temps et l’amour d’un partenaire, à surmonter cette épreuve. D’autres par contre, subissent les effets de leur traumatisme une fois devenus adultes.

Quoi qu’il en soit, abuser sexuellement d’un enfant , c’est lui voler son innocence. Il ne sera plus jamais pareil.

Noire & Psy

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